Advanced Introduction to Beerology

18 Mai 2014 à 14:35 | Publié dans Alcool | 2 commentaires
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Punk IPADepuis le temps qu’on se connait, mon lecteur, j’ai comme une petite question à te poser. C’est une question rhétorique puisque j’en connais très bien la réponse, mais tu le sais je suis très rhétorique comme garçon. « Hey Camarade, t’as pas un peu l’impression de toujours boire les mêmes bières ? »

Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère ! Je sais très bien ce que tu bois, et entre toi et moi y a pas spécialement de quoi être fier. Oh, on a tous plus ou moins le même parcours, à part les quelques-uns qui viennent d’un coin brassicole : on a commencé par des pils industrielles dégueulasses, par les Heineken insipides, par les kros par packs de 24 ; vu qu’on avait quand même un minimum de goût, on a évité les étapes premiers prix, on trouvait quand même les Koenigsbier et autres saloperies en cannette imbuvables. On était jeunes on s’en foutait, c’était bien assez pour faire un caps, même si au fond de nous on savait que c’était de la pisse.

Et ce semestre au Canada où on buvait des Unibroue au goulot comme des sagouins, les Fins du Monde, les Maudites, les Trois Pistoles, on se fouttait bien de la gueule des étudiants du coin convaincus que la Molson était le summum, on se fouttait bien des Allemands incapables de boire ça, d’autant qu’on avait une réputation de Connards Arrogants à justifier ; on ne savait pas encore que la Fin du Monde allait être sacrée meilleure bière du monde, puis qu’elle deviendrait introuvable à l’export, on la buvait au litre et on l’achetait par valises – je veux dire littéralement, cette anecdote étant bien évidement authentique. On tombait sur des microbrasseries très chouettes qui faisaient des rousses de folie, on avait passé un palier.

Et puis on retombe dans nos travers. On n’achètera plus jamais de Kro ou de 16, mais on est passés aux « bières d’abbayes », avec tous les guillemets qui s’imposent, tant les leffe, grimbergen et autres affligems restent des bières industrielles d’entrée de gamme. Oh, on a eu des fulgurances. Une Chimay bleue de temps en temps, une anglaise un peu sympa. Mais on buvait toujours les mêmes choses, on se sentait presque esthète en ramenant une affligem triple ou une leffe 9, d’autant que cette dernière n’était pas encore sur la liste de la CIAC.

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Mais avant de pousser plus loin, deux disclaimers. Rappelons à nos amis mineurs qu’ils ne devraient pas trainer sur des sites peu recommandables même pas sur la liste blanche du CSA alors qu’il seraient bien mieux ici ou . Rappelons aussi que L’abus-d’alcool-est-dangereux-pour-la-santé-à-consommer-avec-modération, vous l’avez lu ici en premier. Il va de soi que nous promouvons une consommation d’esthète, raisonnable et non immodérée.

Oui, ça s’appelle un peu blinder ses fesses, mais que voulez-vous, je suis bien trop mignon pour aller en prison.

Et interpellons les amis lecteurs qui, trompés par un titre en anglais et captés par un style reconnaissable entre tous sont arrivés jusque-là alors que, les margoulins, ils « n’aiment pas la bière » : soyez sauvés, mes frères, mes sœurs, il est très possible il est très probable que vous n’aimiez pas les pils, les pales lagers, et encore des versions très industrielles. Je prendrai même comme un challenge tout personnel de vous convertir, philistins que vous êtes, et croyez m’en, je pars gagnant : il va de soi qu’à l’instar de ma soirée Beer to Peer promise en ces lieux un peu plus haut, cette déclaration vaut faire part d’invitation à une soirée dégustation ; il va également de soi que ce qu’il y a de chiraquien en moi sait que les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Il va enfin toujours de soi que j’ai retenu la leçon et que j’arrêterai de servir aux néophytes des Trappe Quadruples, puisqu’elle a déjà rendu malades comme des chiens deux d’entre vous ; je ne balancerai pas les noms au tout venant par charité. La qualité de ma cuisine étant totalement (ah si !) hors de cause, ça doit être les levures. Sachez que je lève encore mon verre à vous en rigolant, les amis !

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Mais je m’éloigne, je m’éloigne, et j’en oublie que j’ai d’abord une histoire à vous raconter. Une histoire d’épiphanie, une histoire de révélation, une histoire de conversion. Il y a environ six mois de cela j’avais retrouvé une amie à Chatelet, et nous avions décidé d’aller boire un coup. Ayant perfidement pris les devants, j’avais repéré un café qui devait s’appeler quelque chose comme Au Trappiste ; je ne m’y connaissais pas plus que ça mais ça me parlais vaguement. Je n’étais pas déçu : la carte des bières était longue comme le bras, on aurait pu s’y noyer, ce que je fais d’ailleurs allègrement m’attirant les sarcasmes de l’amie suscitée qui avait opté, elle, pour un capuccino, parce que quand elle va dans un bar à bière elle prend un capuccino, anarchie vaincra, tout ça tout ça. J’optais finalement complètement au pif pour une Rochefort 8, pour la principale raison que je n’avais jamais entendu ce nom avant – j’aime bien les découvertes. « Ah ah, tout ça pour ça », balançait la jeune fille au capuccino, totalement au pif aussi, vu qu’elle ne boit jamais d’alcool sauf quand elle confond une bouteille de cristalline remplie de rhum avec une bouteille de cristalline pas remplie de rhum à neuf heures et demie du matin, une excellente stratégie pour faire carrière dans la haute piraterie soit dit en passant. « Comment tout ça pour ça », m’exclamais-je ! Je ne le sais alors pas encore, j’aurais aussi bien pu tomber sur une sombre bouse comme l’ignoble Rince-cochon, ou sur du simplement pas top comme la hautement surestimée Tripel Karmeliet, l’histoire se serait sans doute arrêté là et vous auriez droit à une énième note politique au lieu de celle-ci. « Mais je suis un esthète, et suis prêt à parier que cette Rochefort 8 est totalement froudée ! » (oui, j’ai tendance à faire dans l’alexandrin, quand je m’emporte). Et froudée elle fut, bien évidemment. Devant mon verre, c’était tout un nouvel univers, toute une nouvelle culture qui s’ouvrait à moi. Je n’avais jamais bu ça, et ça n’était que le premier choc d’une longue série.

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Car démarrait alors une irréfragable frénésie ; je dégotais sur le web un site plutôt pas mal de vente en ligne, où j’achetais une sélection de trappistes dont les fameuses Rochefort, pas spécialement donné (surtout que les frais de port alourdissent la note, après la livraison est nickel) mais plutôt top pour démarrer. Dans le même temps, je découvrais tout près de chez moi une très chouette cave à bière, Bières Cultes (4 boutiques dans le centre de Paris), dont je franchissais les portes non sans une certaine appréhension, tout newbie que j’étais. Et bien comme à chaque fois que j’y suis retourné, le conseil était au top, on s’y sent comme chez soi et on peut même y boire un coup. J’y découvrais entre autres les Brewdog,  et repartais avec un bon conseil : les bonnes bières, surtout les brunes, faut surtout pas les boire trop froides (ça flingue le goût – c’est aussi pour ça que les Kro sont servies glacées) et encore moins les stocker au frigo ; alors autant les industrielles stockées couchées dans le bac à bière, allez-y, autant si vous achetez de bonnes choses mettez les debout à l’abri de la lumière et des variations de chaleur (si vous avez une cave c’est top, sinon une armoire fait très bien l’affaire).

Je trainais sur des forums d’intégristes de passionnés (« Budweiser ? Dans la même gamme de produit, je préfère le Perrier. »), je trouvais d’autres bonnes boutiques : le Bootlegger à Pernety a surement le plus de choix, et m’a l’air un poil moins cher que Bières Cultes. La cave Pommier dans le marché d’Aligre (12ème) est sans doute la moins chère des trois au global, après ça dépend évidemment des références.

Je me surprenais également à guetter les étagères des supermarchés, celles juste à côté des packs avec ces bouteilles vendues à l’unité que je n’avais jamais daigné regarder. Dans les Monoprix et les Carrefour, on peut y trouver de bonnes surprises à des prix imbattables : les Trappe Quadruples suscitées, des Duvel Triple Hop, des Westmalle… et même parfois des Brewdog Punk IPA.

Puisque j’y reviens, on va se poser cinq minutes sur cette très chouette brasserie artisanale écossaise, dont l’une des affiches illustre cet article. Brewdog a été lancé par deux potes et leur chien il y a cinq-six ans, en réaction aux breuvages insipides des grandes multinationales – coucou Stella Artois, coucou Heineken – ces bières sans âmes et dont le seul intérèt réside dans ce qu’elles subissent dans ce clip. Leurs IPA, la Punk et la Hardcore ont une amertume fabuleuse et un nez de litchi assez surprenant. La 5 AM Saints est une super ambrée, et leur étiquette dit vraiment tout (« Maybe you want to define yourself with bland, tasteless lowest common dnominator beer. We won’t have any part of it (…) The UK beer scene is sick. And we are the fucking doctor. »). Leur succès est assez foufou, l’association de produits formidablement bien branlés et d’un marketing à la fois hyper fun, super bien écrit et très offensif.

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Lâche les packs de bières industrielles, ça vaut rien. Plonge-toi dans les bonnes bouteilles. Ça te coutera un peu plus cher, peut-être le double, la plupart des bouteilles tournent entre 2 et 3€ les 33cl (bon, y a aussi beaucoup plus cher). Ça te demandera plus d’implication, plus d’effort, peut-être même un peu de passion. Mais c’est comme tout ; bois mais bois mieux.

Tu peux passer ta vie à regarder les Feux de l’Amour, consommer des tétrachiées d’heures de deux trois soap, ça ne fera pas de toi un sériphile. Ou tu peux piocher dans les True Detective et les Fargo, les Rectify et les Peaky Blinders, les Black Mirror et les Utopia, les Community et les Black Books, les Masters of Sex et les In The Flesh, les Breaking Bad et les The Wire.

T’as le choix mon pote.

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